LES ENQUÊTES DU COMMISSAIRE THÉO

 
 
 Déjà, les premiers rayons du soleil printanier dardaient leur lumière à travers les vitres. Le commissaire poétisait sur un coin de son bureau. Ses pensées s’envolaient vers l’univers des rimes, là où il fait toujours beau où le ciel est sans nuages. C’est un appel téléphonique qui rompit le charme. Police secours venait de l’informer d’une mort suspecte à l’observatoire de Paris. Les policiers sceptiques préféraient prévenir le commissaire de leur doute. Théo rameuta son équipe. Le médecin légiste se rendait sur place avec sa voiture personnelle. Christophe, le capitaine, était prêt et conduisait un véhicule de service. Théo s’enfonça près de la place du chauffeur. Sophie, la jeune lieutenante, démarrait avec sa trottinette. Le commissaire ne s’en remettrait jamais de voir ainsi un officier de police sur un tel engin. Elle avait pourtant fière allure avec son brassard de police, son arme réglementaire qui balançait sur la hanche gauche, sa paire de menottes sur les fesses. Sa tenue, un short qui moulait agréablement des jambes et des cuisses galbées et bronzées. Sophie était originaire de la Réunion. Sa peau créole mettait une touche de couleur sur la pâleur des corps qui se dénudaient aux premiers jours du renouveau.
Au fond de lui-même, le commissaire était ravi de sa présence qui changeait les habitudes. Mais cette patinette l’horripilait !
Comme d’habitude, la circulation parisienne bloquait. Malgré le gyrophare, la voiture avançait doucement.
Avenue de l’observatoire, l’embouteillage disparu. L’automobile accéléra. L’observatoire resplendissait sous le soleil tel un bijou dans son écrin. La coupole d’Arago dominait la perspective. Le véhicule arrivait devant la grille d’entrée quand, Sophie sur son engin dépassa celui-ci à vive allure telle une fusée propulsée par son moteur et passa devant la statue de Le Verrier. Théo fit la gueule.
Le corps gisait vers l’entrée visiteurs de l’observatoire, à droite près d’un renfoncement, le crâne fracassé. Le médecin légiste penché sur celui-ci l'auscultait. Plusieurs touristes subissaient l’interrogatoire des policiers présents sur place. C’étaient ces touristes qui avaient prévenus Police secours. L’un de ceux-ci affirmait avoir vu, sur la terrasse située à trente mètres du sol, deux personnes qui gesticulaient, avant le drame, ce témoignage avait alerté les fonctionnaires.
Le mort, un astronome, avait à peine quarante ans. D’après le directeur de l’observatoire, il travaillait dans la coupole avec un autre collègue.
Le commissaire appela une équipe de la scientifique. Il ne voulait pas négliger la scène de crime, si crime il y avait.
Celle-ci arriva vite. Les policiers furent rejoints par la juge d’instruction prévenue par Théo. Les scientifiques se mirent au travail sur le lieu du drame et sur la terrasse.
  • Bonjour madame la juge.
  • Bonjour commissaire. Sommes-nous devant un accident ou un crime ?
  • Pour l’instant nous ne savons pas. En tous les cas pour un astronome voilà une belle mort. Il est tombé du ciel pour remonter au ciel !
  • Drôle d’humour, s’offusqua la juge !
  • Vous connaissez la chanson d’Higelin : tombé du ciel… et Théo se mit à chantonner devant le regard médusé de la juge, de Sophie et des autres policiers présents.
  • C’est le printemps qui vous rend si joyeux ?
 
L’autopsie, le lendemain, confirma le doute. Deux traces l’une à gauche et l’autre à droite sur le corps de la victime et à hauteur des hanches témoignaient que l’individu avait été saisi fermement par deux bras avant d’être propulsé dans le vide.
Les policiers retournèrent à l’observatoire pour interroger le personnel, dont le directeur.
  • Combien de personnes travaillent sur la terrasse, demanda Théo ?
  • Cela va et vient, répondit le responsable. Outre les deux astronomes, dont la victime, il y a des ouvriers, des collègues qui discutent des projets en cours, ou qui prennent leur pause. Vous savez monsieur le commissaire cet établissement qui regroupe l’observatoire de Meudon est l’un des plus importants au monde : deux cent cinquante chercheurs permanents, quatre cents ingénieurs, techniciens et administratifs ainsi que cent cinquante étudiants-doctorants. Ce centre de recherche en astrophysique et en astronomie est aussi important que le Center for Astrophysic américain.
  • Et vous demanda-t-il au collègue de la victime ?
L’homme paraissait très affecté par la mort de son associé. Il n’avait rien vu ni entendu, car il était dans la coupole et d’après lui, Marc c’était le prénom du mort, était parti prendre le soleil et réfléchir. Théo se dit que la douleur de cet homme semblait forte, très forte.
  • Vous le connaissiez bien ?
  • Cela faisait quatre années que nous bossions ensemble sur le même projet.
  • Avez-vous vu d’autres personnes sur la terrasse ?
  • Oui, j’ai aperçu notre archiviste.
  • Merci, ce sera tout pour l’instant, vous pouvez retourner à vos occupations.
Théo soupçonnait que les liens entre la victime et son collègue étaient plus profonds qu’une simple relation de travail. Ce fut le directeur qui confirma ces doutes :
  • Ils sont homos et vivent ensemble. Ils ne s’en sont jamais cachés.
Le crime passionnel ne pouvait être écarté se dit Théo mais pour quelles raisons ?   Sur le lieu de travail, cela restait rare.
L’heure de la mort, grâce à la présence des touristes, avait été déterminée avec exactitude : 11h 45.
Sophie et Théo décidèrent d’interroger l’archiviste.
La femme était taillée comme un rugbyman. Elle en imposait. Elle aurait pu, sans effort, faire basculer la victime de la terrasse vers le sol. Malgré sa carrure, émanait de son corps une force qui n’avait rien à voir avec son physique. Elle était attirante, envoutante avec son beau visage et son académie que l’on devinait.
  • Que faisiez-vous sur la terrasse à l’heure du crime ?
  • J’avais un casse-croute et comme il faisait beau, je suis venu manger sur la terrasse, commissaire.
  • Vous n’avez rien vu ?
  • J’étais de l’autre côté de la plate-forme, celui qui donne sur le jardin. Les bâtiments d’accès à la terrasse ne permettent pas de voir l’étendue de celle-ci.
  • Vous avez remarqué votre collègue dans la coupole ?
  • Non, je n’ai pas prêté attention !
  • Quel est votre rôle à l’observatoire ?
  • Un rôle d’archiviste classique, c'est-à-dire historique et de classement de documents contemporains. Je suis la gardienne de la mémoire des lieux. Savez-vous, monsieur le commissaire, que cet observatoire date de 1667. Construit sous Louis XIV, d’après les plans de Claude Perrault, le frère de Charles Perrault le conteur, ce bâtiment fut érigé sur une ancienne cavité, véritable citadelle de souterrains, de labyrinthes et de galeries connus par les sociétés ésotériques. Les deux frères Perrault étaient membre de l’une d’elles : l’Angélique ou la société du Brouillard, ainsi qu’à une loge maçonnique : les Chevaliers Errants. L’ensemble du bâtiment relève dans sa construction et dans les proportions de l’utilisation du nombre d’or !
Perrault va construire l’observatoire selon l’axe d’un puits souterrain et conserver les accès aux galeries, connues par les initiés, sous le nom de : Nostre Dame Soubsterre. Ce monde souterrain est accessible par un escalier à vis, 169 marches, qui conduit à une chapelle où l’on peut admirer une vierge noire.
Ce lieu est aussi connu comme propice au Grand Œuvre de l’alchimiste et dont le nom était : Pierre Brute du Grand Art, la pierre philosophale si vous préférez.
C’est dans ce puits haut de vingt-sept mètres que Foucault va expérimenter son pendule puis déterminer la vitesse de la lumière.
Vous voulez descendre dans les entrailles de l’observatoire, commissaire, lui demanda-t-elle avec un sourire aguicheur ?
  • Plus tard peut-être, répondit Théo étonné. Je ne vois pas pourquoi vous me racontez tout ça !
  • Mais commissaire votre meurtre a un rapport avec l’histoire mystérieuse de l’observatoire. Le méridien zéro part d’ici et passe par Bugarach et Rennes le Château notamment. Savez-vous qu’un ancien Président de notre république, monsieur Mitterrand, était un initié et qu’une de ses premières visites sera Rennes le Château où il s’enferma, seul, dans un souterrain de la chapelle.
C’est à  l’abbé Picard qu’incombera l’étude de la méridienne afin d’établir les cartes géographiques du pays, grâce aux calculs d’arcs et de triangulations. L’abbé Picard était aussi membre de la société du Brouillard. Ce sont les quatre Cassini, tous directeurs de l’observatoire et membres de l’Angélique qui vont ensuite fournir la cartographie de la France. La victime, Marc, cherchait depuis plusieurs mois à percer l’énigme de l’observatoire et la raison de sa construction sur cet emplacement. Il cherchait dans les archives, me posait des questions. Il est descendu dans les sous-sols à plusieurs reprises tout seul, il ne voulait pas que je l’accompagne. Peut-être a-t-il découvert un secret à ne pas divulguer alors un esprit vengeur l’a jeté de la terrasse.
Théo et Sophie laissèrent l’archiviste. Théo avait besoin d’air. Il tombait de haut. De la mort d’un astronome, il se retrouvait plongé dans l’histoire énigmatique du pays avec un fantôme sur le dos !
Théo savait que l’histoire de France est martelée par la présence féminine, que certains historiens disent même que l’histoire de France est une histoire de fesses ! Mais, si en plus, elle est liée aux sociétés secrètes ! Au fond notre histoire est à la foi érotique et ésotérique !
  • Elle vous fait de l’effet cette femme, sourit Sophie !
  • Pas du tout Sophie !
  • Vous auriez dû lui dire oui et descendre dans les sous-sols avec elle. La solution du meurtre est peut-être dans les entrailles de l’observatoire. À moins que vous ayez peur de vous retrouver seul avec l’archiviste !
  • Mais enfin lieutenante vous divaguez !
Deux ouvriers travaillaient sur la terrasse. Ils effectuaient des réparations de plaques de zinc et de canalisations de l’eau de pluie. Théo leur demanda s’ils avaient vu quelque chose de particulier le jour du crime. L’un répondit :
  • On a aperçu les deux pédales se disputer au milieu de la terrasse. Depuis plusieurs jours ils n’arrêtaient pas de s’engueuler dans la coupole, sur la terrasse, un vrai couple quoi !
Sophie et Théo montèrent l’escalier de fer qui donne accès à la coupole. La lunette de trente-huit centimètres de diamètre occupait le dôme avec ses neuf mètres de longueur focale. L’ami de Marc les reçut. Il arborait autour des yeux les cernes d’un immense chagrin.
  • Qu’elles étaient les raisons des disputes avec votre ami ?
  • Je vois, les cancans vont vite dans cet établissement. Nous nous chamaillons depuis plusieurs semaines, car nous n’étions pas d’accord sur un  sujet.
  • Lequel ?
  • Je voulais adopter un enfant. Marc ne le souhaitait pas. Il disait  que lorsqu’on est homo on sait que l’on ne peut procréer et que l’envie d’adoption cache un manque.
Théo pensait la même chose, mais ne dit rien. Pour le policier le monde hétéro ou homo répondait aux mêmes exigences : amour, haine, envie, argent…
L’observatoire, s’il restait un lieu de recherche moderne et précurseur, semblait figé dans le temps. Les pièces immenses dataient d’un autre siècle. Du matériel astronomique,  des télescopes de Foucault tout en bois, des vitrines faisaient du bâtiment un musée dans lequel virevoltaient visiteurs et chercheurs. Le commissaire et Sophie se rendirent dans le bureau du directeur. L’homme était assis dans un vieux fauteuil. On voyait à peine son visage caché par des amoncellements de dossiers. Contre les murs, des bibliothèques abondaient de livres anciens et de documents récents. Seul touche de modernisme un ordinateur portable.
  • Il y a un fantôme dans votre établissement, demanda Théo ?
  • Le directeur sourit puis rigola. Je vois dit-il, l’archiviste vous a raconté ses boniments. Puis son visage changea, sérieux : oui cela reste plausible. De curieuses choses se passent dans les sous-sols. Il semble que des personnes les habitent pourtant nous n’avons jamais pu les apercevoir. Cet endroit est un haut lieu symbolique de notre histoire. À quelques pas d’ici se situe l’hôpital Cochin, son sous-sol regorge de galeries, de cavités connues depuis l’antiquité. Ses galeries suivent le parcours des rues de la ville un peu comme un calque à l’envers. Plusieurs de ses galeries conduisent à l’observatoire par des accès secrets.
 Qui hante le sous-sol de la capitale et plus particulièrement ces lieux ?
 Marc, le défunt, cherchait une réponse à ces manifestations étranges. A-t-il trouvé quelque chose ?
A-t-il été éliminé pour cette raison ? Vous savez monsieur le commissaire, il est parfois des recherches qu’il vaut mieux ne pas entreprendre ! Tenez si quelqu’un découvre le principe de la pierre philosophale c'est-à-dire la transformation du plomb en or, imaginez les conséquences économiques pour l’humanité !
Théo et Sophie déboussolés sortirent de ce bureau. Leurs pas devenaient chancelants ! Ils entrevoyaient un autre monde peuplé de revenants et de vivants œuvrant à de mystérieuses recherches dans l’ombre de l’histoire...
 
Le jour du crime, un groupe de cheminots astronomes amateurs visitait l’observatoire. En tout une quinzaine de personnes que les policiers avaient convoquées au commissariat pour interrogatoire.
       - Vous étiez en visite leur demanda Sophie ?
       - En fait leur répondit la responsable après la visite de l’observatoire nous avions rendez-vous avec un astronome pour une mise au point sur la découverte commune d’un astéroïde dans la ceinture principale des orbites de Mars et Jupiter. Nous l’avons découvert sur notre site d’observation puis nous avons contacté l’observatoire de Paris. Un astronome, celui qui est mort, nous a donné la procédure à suivre. Il nous a dit de nous dépêcher pour déclarer notre découverte, car un autre astronome professionnel de l’observatoire était dessus cette recherche. Nous avons donc envoyé un courriel avec les mesures et coordonnées de l’astéroïde auprès du MPC (Miror Planet Center) pour homologation. Notre association a été désignée comme découvreur de cet astéroïde et nous venions remercier l’astronome décédé pour son aide précieuse. Chaque année près de 50000 nouveaux objets célestes sont détectés par les professionnels et 2000 par des amateurs.
Théo qui écoutait la conversation se dit qu’il aimerait lui aussi laisser une trace dans le ciel : un astéroïde au nom de Théobald Théodore…
Il s’y voyait déjà le commissaire : l’astéroïde Théo va frôler la terre dans quelques jours…
Sophie sourit et continua de discuter avec les astronomes amateurs. C’est au cours de ces discussions que l’un d’eux mit la puce à l’oreille des policiers.
  • Oui j’ai entendu deux personnes,  la victime et son collègue, qui à l’intérieur de la coupole se traitaient d’escrocs, de voleurs.
Nous étions loin d’une querelle entre couples. Théo redescendit sur terre et  se dit qu’il fallait creuser dans cette direction. Il convoqua l’ami de la victime.
Le jour même l’homme se présenta. Il n’avait aucune crainte.
  • Vous nous avez menti, attaqua Christophe.
  • La vie n’est qu’une longue suite de mensonges, répondit-il au policier.
  • Nous ne sommes pas là pour philosopher, mais pour trouver un assassin et vous faites partie des suspects !
La réplique calma l’astronome.
  • Excusez-moi ! mais je ne comprends pas votre question.
Christophe reprit en précisant :
  • Vous nous avez parlé d’une querelle concernant l’éventualité d’une adoption. Nous avons tous lieu de croire que cette querelle portait sur autre chose. On ne se traite pas d’escroc et de voleur pour une adoption !
L’homme resta silencieux un long moment, le temps de la réflexion. Derrière la vitre sans tain de la pièce d’interrogatoires, Théo assistait à la scène. L’astronome changeait d’attitude. De la désinvolture apparente il devenait méprisant :
  • Vous savez monsieur le policier beaucoup de choses peuvent conduire à des discutions houleuses, à l’emploi de termes injurieux. La colère est mauvaise conseillère. Si j’ai traité ainsi Marc, c’est à la suite d’une tricherie. Marc et moi nous jouions au tiercé, des sommes importantes. Un jour je me suis aperçu qu’en fait il gardait mon argent et ne misait pas au PMU, d’où notre explication un peu vive.
  • Comment vous en êtes-vous aperçu ?
  • Je l’ai suivi jusqu’au bureau de tabac et là je l’ai vu ramassé des tickets jetés au sol par des joueurs ayant perdu.
  • Vous ne regardiez pas les résultats ?
  • J’avais entière confiance en Marc jusqu'au jour ou, et je ne sais pourquoi, j’ai eu un doute.
  • Dans quel bureau de tabac jouait-il ?
  • Je ne me souviens plus. Je crois qu’il s’agissait d’un bureau de tabac dans le boulevard de Port Royal, près du RER. Vous savez monsieur le policier vous faites fausse route, cherchez plutôt du côté de l’archiviste.
  • Et pourquoi ?
  • Elle méprise les homosexuels. Un jour elle a suivi Marc dans les sous-sols de l’observatoire. Dans la petite chapelle, elle a tenté de le violer en le bloquant contre un mur et en tentant de s’emparer de son sexe. Comme le contact de sa main sur le vit de mon ami n’a produit aucun effet, elle l’a traité de tante, et l'a violemment projeté au sol avant de partir. C’est une folle, une assoiffée de sexe.
  • Merci, ce sera tout pour aujourd’hui.
Nous allons vérifier auprès des joueurs de ce bureau de tabac. Vous et Sophie montrer une photo de cet individu aux parieurs, aux gens du coin. Cette histoire ne me plait pas se dit Théo qui suspectait de mensonge l’ami de Marc. Quel doute avait pu déclencher la suspicion ?  De plus cette histoire de viol par l’archiviste ne cadrait pas ?
  • Convoquez pour demain l’archiviste, capitaine.  Sophie vous l’interrogerez.
 
Le lendemain dans la même salle d’interrogatoire l’archiviste faisait face à Sophie. Elle souriait.
  • Votre commissaire ne  veut pas me questionner. Il a peur de moi ?
  • N’ayez crainte, mon patron n’a pas peur de vous et d’ailleurs je crois qu’il vous aime bien !
Théo, derrière la vitre, devenait rouge d’indignation et rallait à l'encontre de Sophie qui se moquait ouvertement de lui.
  • Vous avez tenté de violer  Marc un jour dans la chapelle du sous-sol.
  • Vous rigoler, madame, agresser une tante pour l’obliger à me faire l’amour ! De toute façon il me fuyait et moi je prenais plaisir à lui faire peur. Un jour j’étais dans la chapelle lorsqu’il est descendu, je me suis cachée et le l’ai regardé farfouillé partout. Il tâtonnait les murs à la recherche surement d’un passage secret. À un moment je suis sorti du recoin où j’étais planqué. J’ai crié « hou ». Il a sursauté et c’est enfui à toute vitesse. Certainement qu’il a du faire dans son froc ! Ça doit être l’autre tante qui vous a bourré le mou avec cette histoire de viol !
Lorsque la femme fut sortie, Théo réunit son équipe pour faire le point. Il ne croyait pas l’archiviste coupable. Au fond de lui-même il ne voulait pas qu’elle fût coupable !
  • Où en est l’enquête sur le bar tabac PMU, s’enquit Théo auprès du capitaine.
  • Nous avons interrogé les gens du PMU. Le gérant et le préposé se souviennent  vaguement de Marc. Par contre la boulangère d’à côté se souvient bien de son ami. Il est entré commander un café et un croissant. La boutique propose un petit bar. L’homme a observé longuement le PMU un dimanche. Elle a même pensé,  notre boulangère, qu’il s’agissait d’un flic qui suivait un suspect.
Théo ne dit rien, mais cela n’arrangeait pas son affaire. L’ami de Marc avait dit vrai. Il ne lui restait que l’archiviste comme suspecte et l’étau, autour de cette dernière, se refermait.
Il fallait qu’il informe de l’évolution de l’enquête à la juge. Il l’appela :
  • Alors commissaire vous avez un coupable ?
  • Pour l’instant, j’ai un fantôme qui erre dans les souterrains de Paris, madame !
Il y eut un instant de silence puis la juge explosa :
  • Vous perdez la tête commissaire ?
Théo raccrocha. Non il ne perdait pas la boule. Les trois policiers se regardèrent désappointés.
  • Quel pourrait être le motif de l’archiviste finit par demander Théo ?
  • Elle n’aime pas les homos, s’aventura Sophie !
  • Personne ne les aime Sophie, même leurs familles prennent des distances. Ce n’est pas une raison suffisante pour les tuer.
  • Et si Marc avait trouvé quelque chose d’important que l’archiviste gardait jalousement, avança le Capitaine ?
  • Mais quoi bordel de merde, s’emporta Théo ?
  • Peut-être une imprimerie de faux billets, par exemple.
  • Vous voulez dire que l’observatoire cache dans son sous-sol une imprimerie clandestine ?
  • Ce serait un endroit idéal. Cela expliquerait un certain nombre d’éléments et d’indices.
L’idée germait dans le cerveau du commissaire qui voyait là l’explication la plus plausible aux élucubrations de l’archiviste et du directeur. Une telle entreprise signifiait la complicité de beaucoup de personnes et au plus haut niveau ! Petit à petit, le commissaire acceptait de voir l’archiviste coupable. Marc, le fouineur, avait-il vu quelque chose et avait-il été assassiné pour cette raison ?
  • Capitaine, contactez la brigade spéciale chargée du contrôle du Paris souterrain ; il s’agit de la BICS (la brigade d’interventions de la compagnie sportive). Nous allons perquisitionner les entrailles de l’observatoire en déclenchant le plan ORCCA (organisation de recherches et contrôles des carrières).
 
Ils étaient tous réunis au commissariat : la juge, le patron de la BICS, le Préfet de Paris, le chef de la brigade économique, Théo et son équipe. Ils écoutaient le patron de la BICS, un jeune lieutenant, leur exposer le plan d’intervention.
  •  Nous bloquerons les issues des souterrains de l’hôpital Cochin et celles des Catacombes, pour cela nous devons intervenir lundi, jour de fermeture des Catacombes. Nous éviterons ainsi des problèmes avec les touristes et la presse. Nous investirons aussi le souterrain des Fontainiers, juste à côté de l’observatoire, que nous soupçonnons depuis longtemps d’avoir un accès secret à l’observatoire. Une imprimerie clandestine nécessite un besoin de papier, d’encre. Je pense, disait le jeune lieutenant de la BICS que c’est par l’hôpital Cochin que se décharge le matériel. Cet hôpital est une vraie ville avec ses rues pour voitures et camions. Il doit y avoir des complices dans le l’entrepôt de marchandises. Une équipe de police prendra position dans  cet entrepôt dès le début de l’opération afin d’éviter qu’un comparse ne prévienne les criminels. Nous commencerons l’intervention à dix heures précises ce lundi, dans quatre jours. Les rues menant à l’observatoire et à l’hôpital Cochin seront fermées à la circulation. Les ambulances seront dirigées vers le Val de Grâce. L’observatoire sera investi par les hommes du commissaire Théo qui veilleront à ce qu’aucun des personnels ne sorte ou ne téléphone. Nous emporterons du matériel de détection qui nous permettra d’établir une cartographie des cavités secrètes. Avec nos détecteurs d’infrarouge, nous détecterons la présence humaine. Inutile de vous le dire : silence radio jusqu’au déroulement de l’opération. Merci.
Tout était prêt : les hommes, le matériel, la détermination.
Théo exultait. L’action à venir le faisait trémousser comme un jeune policier malgré son irritation envers l’archiviste.
La détermination et la colère de Théo furent contrariées par un appel téléphonique reçu par Sophie.
La présidente de l’ACA (association des cheminots astronomes) venait de se souvenir d’un fait qu’elle jugeait important.
  • Comme je vous l’ai dit, nous sommes venus pour remercier Marc de son aide dans la découverte d’un astéroïde et de son inscription au nom de notre association. Un autre astronome, au cours de notre visite, un certain Jean Lecoeur, d’après son badge, nous a violemment apostrophés et carrément vilipendés au sujet de la découverte. Il soutenait mordicus qu’il avait découvert le premier l’objet et que Marc, ce salopard –ce sont ses mots- lui avait dit d’attendre et de vérifier avant toute déclaration.
  • Merci madame cria presque Théo qui retrouvait des couleurs. L’archiviste n’était, peut-être, pas la coupable. L’idée d’une imprimerie clandestine de billets de banque s’estompait.
  • Envoyez une voiture quérir ce Lecoeur !
Une heure plus tard, l’astronome attendait dans la salle d’interrogatoire. Plus le temps passait, plus il mijotait dans ces doutes et s’affolait. Quand le capitaine entra, l’homme semblait liquéfié :
  • Que me voulez-vous, hurla-t-il ?
  • Vous n’aimiez pas Marc.
  • Je n’aime pas les pédés !
  • Je ne vous parle pas de son homosexualité, mais de l’astronome celui qui a, selon vous, privilégié une association d’amateurs par rapport à vous !
  • Une salope qui a brisé ma carrière. J’ai plus de cinquante ans. La retraite approche. Je voulais inscrire mon nom dans le livre de la recherche. L’astéroïde que je venais de découvrir m’apporterait ce renom. Cette pourriture de Marc s’est débrouillé pour l’a faire obtenir à cette association.
  • Vous l’avez tué pour cela ?
  • C’était une ordure ! Quand j’ai su ce qui se tramait, je suis allé le voir. Il marchait sur la terrasse. Je lui ai dit que je jugeai son attitude inacceptable. Il a souri, puis a rigolé. Il m’a traité d’astronome fonctionnaire sans envergure. Il m’a affirmé que les astronomes amateurs avaient découvert l’astéroïde avant moi, mais, ne connaissant pas trop la procédure d’homologation, ils avaient perdu du temps. C’est pour cette raison que Marc me demanda plusieurs vérifications pour me faire trainer. Alors j’ai vu rouge, monsieur le policier, je l’ai menacé. Il a tourné le dos de mépris et s’est avancé vers le bord. Je me suis précipité et je l’ai saisi avec mes bras aux hanches. La suite vous la connaissez. J’ai eu un coup de sang.
Théo écoutait. Il retrouvait son sourire. Il téléphona à la juge pour l’informer des aveux de Lecoeur. Il appela l’archiviste et prit rendez-vous pour une visite des dessous de l’observatoire.
L’investigation des souterrains du quartier de l’observatoire fût annulée.
Tout de même si dit-il, assassiner un collègue pour une parcelle de gloire perdue dans l’infini de l’univers.
Il était content. Dans quelques minutes, Théo irait boire son pastis à la brasserie.
 
 
 



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